Janvier... Certaines espèces d'amphibiens sont déjà au "garde à vous" si je puis dire: les grenouilles rousses, mais aussi et surtout certains urodèles que le froid ne chiffonnent pas plus que cela, notamment l'un des plus courants de France, j'ai nommé le triton palmé.
La femelle, à la robe sobre, ronde comme un tonneau!
Et le mâle, toute crête dehors lors de sa phase aquatique nuptiale.
Face à un congénère, les mâles prennent une position typique: plus ou moins cambrés, la queue est repliée pour moitié le long du corps. Le bout en forme de filament du triton palmé (caractéristique) se met alors à onduler fébrilement le long des flancs. Cela contribue à diffuser des phéromones aux alentours, aussi bien pour signifier sa présence "sexuellement active" à un mâle face à lui, qu'à une femelle qui serait encline à satisfaire ses ardeurs.
De temps à autre il monte le long des plantes, ou en nageant, pour venir happer à la surface un peu d'air.
Puis il redescend lentement, guettant le moindre mouvement aux alentours. En chemin, il peut croiser une femelle, occupée à replier une feuille pour y lover un œuf fraichement pondu. C'est une manière pour les tritons de protéger leur frai des prédateurs. Les œufs sont pondu un par un, chacun sera caché de la même façon...
Il a une vue excellente et repère très rapidement tout ce qui bouge aux alentours.
D'une voracité assez impressionnante, le triton palmé s'attaque à tout ce qui ressemble à de la nourriture: ver, petits insectes... Il n'a aucun complexe à attaquer des proies d'une certaine taille, comme ce ver faisant à l'origine une fois et demi la taille de ce petit triton mâle!
Et oui... L'univers des amphibiens est plein de surprise... Quel pêcheur pourrait imaginer que même au cœur de l'hiver, de si fragiles animaux s'ébattent dans les eaux glaciales de ses spots favoris? Ceci dit point d'illusion: ces animaux étonnants ne sont que rarement adeptes des grandes étendues d'eau si appréciées des carpistes, ou des torrents vifs où vairon manié, toc et mouche font le bonheur des amoureux des salmonidés. Ces petites créatures préfèrent largement les petites mares abritées, les petits étangs, voire même les fossés inondés, les lavoirs, les bassins de jardin ou encore les ornières inondées de chemins.
Le succès de leur reproduction dépendra de la météo, certes, mais aussi et surtout de la survie de tous ces petits écosystèmes (notamment des petits espaces temporairement noyés en hiver et au printemps) que malheureusement l'on tend de plus en plus à combler, ou à polluer à grand coup de pesticides ou d'eau usée. Saviez-vous à ce titre que certains grands espaces jadis réputés pour leur richesse batrachologique sont aujourd'hui devenu de véritables tombeaux de part des gestions agricoles inadaptées (productivisme oblige parait-il)? C'est le cas de la Brière par exemple, d'où en 20 ans la quasi totalité des amphibiens dit "sensibles" ont disparu, y compris la rarissime "grenouille bleue" (une grenouille verte en fait, mais possédant une particularité génétique unique au monde la rendant bleue).
Savez-vous enfin pourquoi ces petits animaux se reproduisent principalement dans des milieux aussi particuliers? Tout simplement parce qu'ils y trouvent moins de prédateurs, comme des larves de libellule, mais aussi des écrevisses ou des poissons. Notez par ailleurs que si en beaucoup d'endroits ces amphibiens tendent à disparaitre, c'est aussi à cause de l'essor démesuré de certaines espèces invasives telles que l'écrevisse de Louisiane, la fameuse "clarkii". C'est aussi, et cela est bien moins connu, à cause parfois de politiques d'empoissonnement peu judicieuses dans certaines eaux closes, notamment en truites dans les étangs de plaine mais aussi, et oui, en cyprinidés naturellement "voraces" comme...
... la carpe!
Et on continue avec une heureuse rencontre de ces derniers jours: un triton crêté femelle. En attendant de croiser la route de mâles toute crête dehors en ce tout début de période d'ébats amoureux chez cette espèce...
Une petite vue ventrale mettant en avant des couleurs assez hallucinantes.
Cache cache dans les herbes.
Une vue un peu plus générale de l'animal.
Le triton crêté est un animal de plus en plus rare, souffrant énormément de la destruction des mares où il se reproduit mais aussi des couverts végétaux à proximité tels que les haies bocagères et les sous-bois (ce sont des animaux qui se déplacent peu, et il est impératif que site d'hibernation et de repro ne soient pas espacé de plus d'une centaine de mètres), remembrement oblige... Il évolue de plus dans des mares possédant des particularités assez marquées, comme les trous d'eau de source relativement profonds aux bordures végétalisées et surtout exempts de poissons ET de certains autres amphibiens avec lesquels il rentre en conflit "d'exclusivité", tel que le triton marbré.
Et voici d'ailleurs le fameux triton marbré:
En ce moment, ce triton est en migration prénuptiale (donc en phase terrestre), il quitte ses zones d'hibernation et, sous le couvert de nuits humides et pas trop fraîches, il évolue vers les points d'eau où il se reproduira d'ici un mois. Dans notre région, il "cohabite" en quelques rares endroits avec le triton crêté et parfois il n'a d'autre choix que de se reproduire dans les mêmes mares. Dans 99% de ces cas, le triton crêté sera plus précoce et finira sa repro juste quand le marbré arrivera à l'eau pour la sienne. Dans les 1% restant, les deux espèces cohabiteront (mal) et pourront même parfois s'hybrider, donnant naissance à un animal appelé Triton de Blasius... Ce triton, exceptionnellement rare, est fertile, et est souvent considéré de fait non pas comme un hybride mais une "espèce" au sens strict...
Prochaines images: Ce fameux triton marbré en tenue de parade (phase aquatique)!
Le quart d'heure écolo!Une surface bocagère d'environ 1200Ha au nord de Nantes est sur le point de disparaître face à un projet d'aéroport. Cette surface est une des dernières du 44 (et du grand ouest) où nombre de mares sont encore peuplées de triton crêtés, mais aussi de moults autres espèces propres à ce genre d'écosystème. Si vous souhaitez obtenir plus d'infos au sujet des tenants et aboutissants de ce projet, ou simplement faire connaître votre refus de voir saccagé ce patrimoine naturel déjà bien malmené, entre autres conséquences, je vous invite à visiter le lien suivant et à signer la pétition qui y est lié.
http://acipa.free.fr/Petition/petition.htm